Association de lalogoRégie Théâtrale  

10
Succès, échec... l’alternative

Tandis que Richard Burton et Hélen Hayes se faisaient applaudir à New-York dans Léocadia, à Paris, Jean Anouilh faisait répéter sa nouvelle comédie, au théâtre de l’avenue Montaigne.

Intitulée tout d’abord Comédie, puis Le Lion amoureux, puis Le Général voyage seul, puis L'Emmerdeur et même L’Hurluberlu ou l’Atrabilaire amoureux, en hommage à Molière, la pièce sera finalement affichée sous le titre de L’Hurluberlu ou le réactionnaire amoureux.

Anouilh l’avait terminée fin 1957 et mise en répétition en janvier 1958. Cette année là la vie des Français était pour le moins mouvementée dans l’attente que revienne au pouvoir le Général de Gaulle.

Était-ce coïncidence ? Le personnage principal de la pièce d’Anouilh était également un général, misanthrope celui -ci et fort mal dans sa peau, mais désirant venir au secours de sa patrie : « ( Il ) trouve que cela ne va pas en France . Il conspire contre le régime ; mais chez lui ça ne va pas fort non plus ( ses deux filles courent le guilledou, son épouse s’ennuie avec lui et sa vieille fille de sœur ne cesse de le harceler…) Avec la France sur le dos, toutes ses histoires de famille, le général va se lancer comme un Don Quichotte, touchant, un peu comique contre les moulins . Et les moulins .l’assommeront(…) Le général découvrira que sa conception de l’honneur n’a plus cours (…) Il découvrira même l’inutilité des conspirations devant la marche triomphale des vers dans le fruit ( ou des idées nouvelle , comme on voudra) ». 1

Distribuer la pièce ne fut pas chose facile. Pour le rôle du Général, Anouilh aurait aimé engager François Périer, Claude Sainval préférait Jean-Pierre Aumont - à ce sujet ils manquèrent de se fâcher et Jean Anouilh menaça de retirer sa pièce - il fut question alors de Jacques Dumesnil et de Claude Dauphin, finalement ce fut Paul Meurisse qui signa le contrat.

L'Hurluberlu en répétition
L'Hurluberlu en répétition
Roland Piétri, Paul Meurisse et Jean Anouilh

(photo Lipnitski)
Collections A.R.T.

Le projet de décor de Jean-Denis Malclès enchanta Anouilh : « La maquette du théâtre de verdure est admirable. C’est le plus beau décor que j’aurais jamais eu ; la femme dansant et le théâtre à travers lequel on voit les arbres et la vie, c’est le symbole même de la pièce, le symbole de tout mon théâtre et de la Vie ». 2

L' Hurluberlu de Jean Anouilh
L' Hurluberlu
décor de Jean-Denis Malclès
maquette reconstituée, personnages peints par J.-D. Malclès
Collections A.R.T.

Au soir de la répétition générale, les critiques, le croirait-on, étaient d’avis contraires. Alors que pour Pierre Marcabru la pièce n’était : « qu'une farce et un vaudeville » , 3 l’intraitable censeur, Jean-Jacques Gautier était dans l’ admiration : « Toute la comédie est troussée par un virtuose. Elle est d’une richesse et d’une variété de ton qui vous enchanteront. Les traits les plus ordinaires sont enchâssés dans une monture qui ferait l’admiration de l’orfèvre le plus difficile en matière de joaillerie ». 4

Il ne restait plus au public que de juger par lui même en assistant au spectacle et ce fut un nouveau succès. Une partie de la presse retourna alors sa veste et se fit l’écho du public : « L’Hurluberlu à la Comédie des Champs-Élysées ? La pièce qui bat tous les records de recette ». 5

L'Hurluberlu vu par Sennep
L'Hurluberlu vu par Sennep
Collections A.R.T.

Et puis ce fut La Petite Molière. « Une pièce sur Molière, je n’y aurait jamais pensé ; je ne l’aurais jamais écrite ; mais cette histoire « racontée » où le texte proprement dit compte à peine, il me semblait qu’elle pouvait être un prétexte à rêver un peu ensemble à notre saint patron . Jean-Louis Barrault m’a écrit que ça l’amuserait (…) il me racontait sa mise en scène et nous nous trouvions dans les bras l’un de l’autre en clamant qu’on allait voir ce qu’on allait voir et que nous allions faire du cinéma sans producteur, sans technicien, sans caméra… (…) Rien dans les mains, rien dans les poches ! La formule de prestidigitateur nous enchanta, sans que l’allusion fâcheuse qu’elle contenait parvint même à nous effleurer. C’est peut-être comme ça que les catastrophes arrivent ». 6

Jean Anouilh et Jean-Louis Barrault
Jean Anouilh et Jean-Louis Barrault
programme original de La Petite Molière

Collections A.R.T.

voir l'intégralité du programme

Et ce fut ainsi que du scénario d’ un film, qui ne fut jamais tourné, naquit une pièce qui sera programmée au Festival de Bordeaux en juin 1959, avec en tête de la distribution Jean-Louis Barrault dans le rôle de Molière et Madeleine Renaud dans celui de Madeleine Béjard.

La Petite Molière - Madeleine Renaud et Jean-Louis Barrault
La Petite Molière
Madeleine Renaud et Jean-Louis Barrault

(photo DR)
fonds Brauner
Collections A.R.T.

Repris à Paris le 12 décembre, au Théâtre de l’Odéon dont la direction venait d’être confiée à Jean-Louis Barrault par le nouveau ministre de la Culture André Malraux, le spectacle fut un échec complet. Composé de courtes séquences, l’ensemble manquait d’unité. Alors que dans un film, les enchaînements se seraient suivis sans la moindre interruption, ici les tableaux étaient fragmentés, coupés par des temps morts, Comment, dans ces conditions, le spectateur pouvait-il être touché par la souffrance de Molière ou par le drame pathétique de Madeleine Béjard, comédienne vieillissante qui devait changer d’emploi et laisser sa place à Armande, sa jeune sœur ( ou sa fille - allez savoir ? ) sur la scène et dans le cœur de son amant.

J.-L. Barrault à l' Odéon et La Petite molière vu par Sennep
J.-L. Barrault à l' Odéon et La Petite Molière vu par Sennep
Coll. part.

En outre, Jean-Louis Barrault, amoureux de grandes mises en scène lyriques à l’instar de celle du Soulier de Satin, fut excessif dans sa direction d’acteurs. Par courrier, Jean Anouilh lui reprocha le jeu de Madeleine Renaud et le sien : « … Cet étalage de sensibilité est indécent. Et les vraies larmes arrêtent les nôtres. On n’est pas là pour assister à l’émotion personnelle des acteurs ( …) Ce n’est même pas psychologiquement juste que Molière se mette à brailler au chevet de Madeleine, marquant qu’elle va crever sur-le-champ. N’importe quel homme devant un mourant affecte le calme et diminue la gravité de la situation ». 7

L’auteur avait raison, le public resta indifférent et Jean-Louis Barrault en fut pour ses frais. Celui-ci ne fut pas rancunier, parlant de Jean Anouilh, il déclarait : « Travailler avec lui est un plaisir. Et pourtant quel caractère tourmenté ! Quand il souffre, il faut que tout le monde y passe. C’est horrible. Puis quand l’orage est passé … eh bien on ne le voit plus ! Mais quand à nouveau on le rencontre, il est charmant et l’on n’a qu’un désir : retravailler avec lui ». 8

Si à l'Odéon, le nom d’Anouilh n’était pas applaudi chaque soir, il n’en était pas de même au théâtre Montparnasse où depuis le 2 octobre triomphait un nouveau chef d’œuvre : Becket ou l’Honneur de Dieu. Ce fut après avoir lu La Conquête de l’Angleterre par les Normands qu’Anouilh décida d’écrire la pièce : « Mon émotion et mon plaisir m’ont suffi. Je n’ai rien lu d’autre. Le drame entre ces deux hommes ( Becket et le Roi Henri II ) qui étaient si proches, qui s’aimaient et qu’une grande chose, absurde pour l’un d’eux - celui qui aimait le plus -, allait séparer, m’a donné ma pièce ». 9

Thomas Beckek, prélat, compagnon du roi Henri II, à la chasse et dans ses plaisirs, travaille contre le pouvoir exorbitant que l’ancienne charte d’Angleterre avait donné au clergé et à son chef l’archevêque primat. Ce dernier meurt. Le roi oblige Becket à accepter le poste. Ce dernier le prévient qu’il va faire une folie « Si je deviens archevêque, je ne pourrai plus être votre ami » Le roi s’obstine. Le soir de son élection, Beket renvoie ses concubines, vend sa vaisselle d’or, ses chevaux, ses habits, revêt une simple robe de bure et commence à lutter contre le roi, qu’il n’avait pas cesser d’aimer. Ce débauché est devenu comptable de l’honneur de Dieu. Il finira exécuté sur l’ordre du roi. « Quand nous avons monté Becket raconta Jean Anouilh, avec Bruno Cremer et Daniel Ivernel, pièce à laquelle Marguerite Jamois ne croyait guère ( et Piétri et moi non plus au départ, je disais « ça va faire pièce historique » ) j’avais fais faire par Jean-Denis Malclès de très beaux chevaux-jupons à la tête et à la croupe finement moulées en carton et garnis de superbes queues – je voulais que le spectacle fasse enluminures du Moyen-Âge… Et Cremer et Ivernel, après s’être foulé plusieurs fois la cheville au début, montés sur des cothurnes de vingt centimètres de hauteur avaient vraiment l’air d’être à cheval. C’était superbe. À la scène de la rencontre sur les chevaux nerveux dans la grande plaine déserte, balayée par le vent, au cours du dialogue pathétique de ces deux amis qui s’aimaient et que « l’honneur de Dieu » avait séparés – Crémer en moine, disait au roi : « Je ne regrette rien » _ « et les femmes ? » demandait le roi – « J’ai oublié ! », répondait Beckett simplement, puis il ajoutait au bout d’un temps : « La seule chose que je regrette, ce sont les chevaux… ». 10

Bruno Cremer dans Becket
Bruno Cremer dans Becket
(photo DR)
Collections A.R.T.

En outre, Jean-Denis Malclès avait conçu un décor de toute beauté : « avec ses lignes en ogive que des éléments complémentaires, descendus des cintres, font tour à tour forêt, château, cathédrale… Ils sont d’une ingéniosité, mais surtout d’un style remarquable ». 11

Becket ou l'honneur de Dieu de Jean Anouilh, décor de Jean-Denis Malclès
Becket ou l'honneur de Dieu
décor de Jean-Denis Malclès
maquette reconstituée, personnages peints par J.-D. Malclès
Collections A.R.T.

Quand à 21h, au soir de la Générale, le rideau se leva, le public, ébloui, applaudit avant même que ne soit prononcée la première phrase. Et quand à minuit le rideau tomba sur la dernière réplique, ce fut un tonnerre d’applaudissements entrainant plus de dix rappels.

Mis à part un ou deux critiques, d’obédience très catholique, qui se permirent quelques réserves, soutenant que dans le texte « la notion de Dieu est de peu de poids » 12 tous les autres furent délirants d’enthousiasme ainsi que Jean-Jacques Gautier dans Le Figaro « Enfin ! Enfin une soirée ! Enfin une bonne soirée ! Une belle soirée même, une œuvre enfin. Une de ces soirées, une de ces œuvres qui sont la récompense du critique. Mais précisons : une soirée comme on n’en voit guère, une œuvre telle que nous souhaiterions d’en rencontrer, tenez , tous les 2 ou 3 ans ». Et Max Favalelli dans Paris-Presse : « Le plus touchant est la tragédie de l’amitié qui est la doublure écarlate de la tragédie - plus apparente - du pouvoir. Anouilh a merveilleusement analysé les rapports qui unissent Becket au roi, et les tourments de ce dernier, contraint à condamner le meilleur de lui-même, tout en souhaitant qu’il échappe aux pièges qu’il lui tend. Il y a là un double jeu de balance que M. Anouilh conduit magistralement ». Pour Morvan Lebesque dans Carrefour : « L’habit fait le moine : tel est, je crois, le thème majeur que Jean Anouilh a développé. Thomas Becket, Saxon vaincu par les Normands, est un « bâtard » dans le sens sartrien du mot. Il « collabore » de bonne grâce, mais ne possède en propre, ni honneur patriotique, ni honneur de famille. Où donc seront son honneur, sa patrie, sa famille ? En Dieu, dès qu’il se sera donné à lui. D’où son intransigeance, qu’il est assez honnête pour ne pas confondre avec la sainteté ».

Le spectacle ne quitta l’affiche que 18 juin 1961, après 618 représentations. Engagée par les Galas Karsenty, la pièce partie ensuite pour une tournée triomphale de trois mois en province et à l’étranger et la pièce eut l’honneur d’être inscrite au répertoire de la Comédie Française en octobre 1971.

Bruno Cremer et Martine Sarcey fêtant la centième de Becket
Bruno Cremer et Martine Sarcey fêtant la centième de Becket
(photo DR)
fonds Martine Sarcey
Collections A.R.T.

En dépit de son succès, Anouilh gardait, en son cœur, une rancune tenace envers certains critiques dramatiques. De plus, il avait des comptes à régler avec les thuriféraires brechtiens qui depuis quelques saisons défendaient, flamberge au vent, « le théâtre de la distanciation ». Aussi profita-t-il de la mise en scène qu’il fit du Tartuffe de Molière, le 5 novembre 1960, pour faire jouer, en première partie, un impromptu de sa façon, intitulé Le Songe du critique. Il s’agissait naturellement d’un journaliste qui venait assister à la représentation de Tartuffe, avec l’intention de démolir le spectacle. Devait-il, ce censeur, s’en prendre à la présentation ou au texte de la pièce Pourquoi ne pas accabler l’auteur de Tartuffe des mêmes reproches qu’on lui adressait au metteur en scène : Jean Anouilh ? : « … Molière ! il y aurait beaucoup à dire… Est-ce qu’il n’y a pas le germe du ver qui nous ronge ? Cet esprit de facilité, ce goût de l’effet, cet abus du mot , cet ignoble penchant pour le divertissement ? N’est-ce pas là la naissance du théâtre de boulevard ? (…) Le mal remonte loin. Un vieux vice de l’humanité, un vieux travers populaire de gaudriole et de facilité, dont, Dieu merci, nous avons décelé l’existence. Table rase… ».

Le Songe du critique de Jean Anouilh
Collections A.R.T.

En connivence avec Anouilh, le public s’amusa beaucoup et si ce petit acte ne compta guère parmi des œuvres inoubliables, il fit néanmoins grand bien à son auteur et comble de satisfaction, à la suite des représentations, le Prix Dominique, récompensant le meilleur metteur en scène, lui fut attribué.

Après le triomphe de Becket au Théâtre Montparnasse, Jean Anouilh espérait renouveler son succès avec La Grotte. Ce ne fut pas le cas. L’action se passait vers 1910, dans une maison bourgeoise, avec les maîtres habitants les étages nobles, et les domestiques relégués dans la « grotte », à savoir l’office et la cuisine, les uns méprisant les autres qui, en retour, en les détestaient. S’inspirant de Six personnages en quête d’auteur de Pirandello, Anouilh mit en scène le supposé auteur de l’œuvre. Celui-ci, dès l’ouverture du rideau venait annoncer au public qu’il n’avait pas su écrire la pièce à vocation policière. En effet, au cours de la représentation, la cuisinière Marie-Jeanne sera assassinée. Personnage étrange que cette Marie-Jeanne qui après avoir eu, des années auparavant, une aventure avec le maître, était devenue faiseuse d’anges.

La Grotte de Jean Anouilh
Collections A.R.T.

Dans le programme, Jean Anouilh prévenait son public de la difficulté de suivre l’action : « La Grotte est une pièce pas faite, et si embrouillée que toute tentative de résumé serait vaine. Et d’ailleurs sur scène, l’auteur en chair et en os le fait au fur et mesure pour vous (…) Vous n’aurez qu’à l’écouter très attentivement. Car je crains que lui aussi, le pauvre… ».

Les critiques, dans l’ensemble, furent honorables sinon élogieuses. Pour Jean-Jacques Gautier l’auteur « sait son théâtre sur le bout des ongles, et cela lui permet d’écrire autant de petites pièces que de scènes dans des styles différents : le drame , la comédie sentimentale, le genre larmoyant, le policier, le mélo, ce qui n’interdit pas une certaine délectation dans l’horreur ou des longueurs dans la seconde partie ». 13 Gabriel Marcel reconnaissait une œuvre émouvante « où une compassion authentique se manifeste à travers une lucidité implacable ». 14

La Grotte de Jean Anouilh en répétition
La Grotte en répétition
au premier plan : Jean Anouilh, Martine Sarcey et Marcel Cuvelier

(photo DR)
fonds Roger Lauran
Collections A.R.T.

Mais pour une fois ce fut le public qui, de son plein gré, bouda le spectacle.

Le 11 janvier suivant, la Comédie des Champs-Élysées, théâtre fétiche de Jean Anouilh, affichait dans la même représentation deux pièces de l’auteur. Il s’agissait de L’Orchestre et de La Foire d’Empoigne.

Joué en première partie, L’Orchestre fut présenté comme une simple pochade, une comédie-concert en un acte.

Après que, sur les accords d’une musique brillante de Georges Van Parys, le public se soit installé dans la salle, le rideau se levait sur un orchestre féminin - à l’exception du pianiste -. Les musiciennes, petites bonnes femmes médiocres, méchantes parfois, sans talent, sans espoir, sans amour, n’aimant le plaisir que pour le plaisir, jouaient leur partition avec une déplorable indifférence. Désespérée, l’une d’elles finissait par se suicider, drame qui ne sembla déranger personne… Et le concert continua…

L' Orchestprogramme original de re de Jean Anouilh
L' Orchestre
programme original

Collections A.R.T.

voir l'intégralité du programme

Lorsqu’il écrivit cette pièce, l’impitoyable auteur avait-il gardé un souvenir malheureux de son enfance, du temps où sa mère était pianiste ? Il ne s’en expliqua pas mais un critique sut le lui rappeler : « Cet orchestre de femmes a révolté, choqué, dégoûté la plus grande partie des spectateurs. Aucun d’eux n’a entendu la petite musique fraiche et émouvante qui s’en élevait : celle de l’enfance de l’auteur… ». 15

La seconde partie du spectacle était composé d’une farce La Foire d’Empoigne. qui relatait néanmoins d’un événement de notre Histoire de France. La pièce commençait au moment où Louis XVIII s’enfuyait devant le retour de Napoléon Ier et finissait, quelques mois plus tard, au moment où Napoléon Ier s’enfuyait devant le retour de Louis XVIII.

La Foire d'empoigne de Jean Anpuilh
Collections A.R.T.

Partant du fait que « L’Histoire de France, hélas, c’est le Châtelet. Quelques vedettes vieillies, avec des trucs éprouvés, toujours les mêmes et une troupe de Dupont, mal payée, massacrée périodiquement et toujours enthousiaste pour leurs grands hommes » 16, le coup de génie d’Anouilh, metteur en scène, fut de faire jouer tour à tour au comédien Paul Meurisse les deux rôles, celui du Roi et celui de l’Empereur.

Ne s’attendant pas à de bonnes critiques, Jean Anouilh prit les devants : « De mauvais esprits verront dans cette pièce des allusions où il n’y en a pas : un vieux rêve enfantin du mythe du père ( il est solidement enraciné au plus profond du cœur de l’homme et aucune théorie ne l’en extirpera ) dans la figure de Louis XVIII. Ce roi était fin, tolérant, il avait essayé de comprendre son temps et c’est un fait que c’est lui qui a redonné la liberté perdue aux Français. Et puis… Il me plaît : j’use de mon droit régalien d’auteur. Je sais aussi, hélas ! que d’autres, qui se font de l’Histoire de France, une idée romanesque, s’indigneront : « Faire ça à Napoléon ! un si grand homme… » (…) Il n’y a pas encore de régime en France qui ait réussi à empêcher les Français de faire des chansons. La Foire d’Empoigne n’en est qu’une de plus ». 17

programme original de La Foire d'empoigne
Lire l'intégralité du texte de présentation d' Anouilh dans le programme original

Quoique les critiques furent plutôt satisfaisantes, on ne put parler de grande réussite. Il fallut attendre 1988, une année donc après le décès de Jean Anouilh, pour qu’une reprise de La Foire d’Empoigne, mise en scène par Nicole Anouilh, remporte, au théâtre de la Madeleine, un succès mérité.

La Foire d'empoigne au Théâtre de la Madeleine
Collections A.R.T.

1 cf Texte de Jean Anouilh dans le programme
2 Jean-Denis Malclès « Théâtres » catalogue d’exposition à la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris 1989
3 Arts 11 février 195
4 Le Figaro 7 février 1959
5 L’Écho du dimanche 26 avril 1959
6 L’Avant-scène 15 décembre 1959
7 Anca Visdei Jean Anouilh, une biographie Édition du Fallois -page 248
8 Jean-Louis Barrault Souvenirs pour demain Éditions du Seuil 1972
9 L’Avant-scène 15 février 1967
10 Jean Anouilh : La Vicomtesse d’Erispal n’a pas reçu son balai mécanique Éditions La Table ronde janvier 1997
11 Marcelle Capron Combat 5 octobre 1959
12 Clément Borgal Anouilh, la peine de vivre Édition du Centurion
13 Le Figaro 6 octobre 1962
14 Les Nouvelles Littéraires 12 octobre 1961
15 Candide 18 janvier 1962
16 Jean Anouilh L’Avant-scène 15 février 1962
17 Jean Anouilh L’Avant-scène 15 février 1962

Haut de page

retour suite
Table des matières

la mémoire du théâtre