Bernard Verley se nourrit de la vie

 
Dans cette pièce, il est celui par qui la pagaille arrive. Celui qui ne laisse aucune conscience tranquille. Grognon et manipulateur, Bernard Verley incarne un personnage plus qu'humain. Si proche de nous qu'on en arrive à se pardonner toutes nos fautes.
 
Jean-Louis Pinte : On a l'impression que l'auteur vous laisse une grande liberté pour construire votre personnage ?
 
Bernard Verley :
Dans l'écriture, tout est dans les non-dits.
La poésie est plus dans l'épaisseur des personnages. Celui que j'incarne vient au monde comme un vieux gamin qui constate à l'automne de sa vie qu'il n'a eu que des départs. Il y a une obscurité autour de son passé. Il se rend compte que le temps passe plus vite qu'on ne le croit. Quand j'ai pris ce rôle, je me suis dit «le moment où l'homme s'est mis à penser et à parler n'est pas si loin que ça».
 
J.L. P. : Au milieu de tout cela, il y a l'amour quand même ?
 
B. V. :
L'amour est-ce un droit, une obligation ? Est-ce qu'il faut en vouloir aux gens de ne plus vous aimer ? On peut continuer à aimer sans être amoureux. C'est toutes ces questions qui sont posées.
 
J.L. P. : Il passe à côté de l'amour ?
 
B. V. :
Il lui préfère l'égoïsme.
 
J.L. P. : Rentre-t-on facilement dans cet univers ?
 
B. V. :
Au théâtre, si on ne se nourrit pas de la vie, on ne nourrit pas la pièce et encore moins le spectateur. Il y avait deux manières de monter Itinéraire bis . L'une, façon boulevard, à la limite du burlesque. C'aurait été une catastrophe. L'autre, en jouant un arrière-plan léger. Aussi léger qu'il peut l'être dans la vie lorsqu'on se souvient des petites tragédies qu'on a traversées. Quand on les vit, c'est la plus horrible des choses qui vous arrive. Après, on oublie. C'est ce parti pris que l'on a choisi.
 
J.L. P. : Pourquoi vous voit-on si peu au théâtre ?
 
B. V. :
Je commençais à faire de la sémantique dès que j'apprenais un texte. Alors je me suis arrêté pendant quinze ans. Personne ne s'en est rendu compte, ce qui pour moi a été formidable.

Propos recueillis par Jean-Louis Pinte
Rédaction du Figaroscope
Edition du 17 octobre 2001


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