La consécration d'Albert Husson arrive avec La Cuisine des anges qui connaît immédiatement un succès exceptionnel. La pièce, qui bénéficiera d'une critique unanimement louangeuse, se promènera de théâtre en théâtre, devenant la bouée de sauvetage de directeurs en mal de spectacle. Elle sera jouée 1200 fois à Paris, deux saisons à New-york, et 4000 fois à travers le monde. On trouvera plus loin résumé et critiques de la pièce.
Ce triomphe n'émeut pas outre mesure l'auteur, homme discret et réservé. Son confrère André Roussin, en dresse alors le portrait : « Vous êtes un sage. Après le triomphe de La Cuisine des anges, vous auriez pu abandonner votre poste au Théâtre des Célestins et venir jouer les auteurs « bien parisiens », comme tous les provinciaux. Vous êtes resté à Lyon. Vous y avez gardé votre emploi… Cela veut dire que vous n'écrivez pas pour payer le percepteur ou pour briller dans le monde, mais seulement par goût pour le sujet qui vous tente, par besoin de rêver et de nous faire rêver, en un mot par plaisir. Et voilà le secret de votre réussite. Nous savons qu'en venant voir une de vos comédies, nous trouverons toujours cet humour qui est une forme de la pudeur, et cette gentillesse du cœur qui est celle des poètes ».
Roger Pierre et Jean-Marc Thibault, 13 ans après la création, ont l'idée de tirer une opérette de La Cuisine. L'énorme succès de la pièce, l'originalité de ses héros, ont sans doute poussé les deux fantaisistes à transformer la pièce en comédie musicale. Ils sont donc devenus les deux bagnards, le trio s'étant transformé en duo. Le théâtre a ses mystères. Malgré nos deux comiques à l'affiche, une musique de Georges Garvarentz, une mise en scène de Pierre Mondy, une chorégraphie de Katherine Dunham, c'est un échec. Deux Anges sont venus, créé au théâtre de Paris le 18 septembre 1965 ne sera pas pour La Cuisine ce que My Fair Lady a été pour Pygmalion. Le spectacle ne sera joué qu'une quarantaine de fois. Dans le même temps, Husson est affiché dans trois théâtres : Le théâtre de Paris ci-dessus mentionné et, en qualité d'adaptateur, à la Comédie des Champs-Élysées avec Le Mal de Test et au théâtre Marigny pour l'adaptation de la comédie musicale Le Jour de la tortue, spectacle qui connaîtra le même échec que Deux Anges sont venus. Le peu de goût, à l'époque, manifesté par le public français pour ce qu'il considère comme de l'opérette, style périmé, y est sans doute pour beaucoup.
Un film a été tiré à Hollywood en 1954 de La cuisine par Michael Curtiz, We're no Angels qui connaît un légitime succès grâce, en partie, aux trois héros qui étaient interprétés par Humphrey Bogart, Peter Ustinov et Aldo Ray; trente-cinq ans après, en 1989, toujours à Hollywood, Neil Jordan s'intéresse à son tour aux trois bagnards qui, là aussi se réduisent à deux, mais non des moindres : Robert de Niro et Sean Penn. Le film, malgré sa distribution prestigieuse, ne fera pas d'étincelles.
Il est vrai que le scénario de David Mamet s'est éloigné à très grands pas de l'œuvre originale.
L'Avant-Scène N° 300, décembre 1963