Association de lalogoRégie Théâtrale  
9

Lana Marconi : La Résurrection

Lana Marconi
Lana Marconi
(photo DR)

Seul, abominablement seul, il n’osait espérer rencontrer une nouvelle âme soeur. Il se sentait si malheureux que sans vergogne, il se confia à son amie Arletty qui, elle aussi, avait subit de gros ennuis à la Libération. Arletty pensa alors à une jeune femme de vingt-sept ans, roumaine, inconnue dont on lui avait parlé. Riche, elle s’appelait Lana Marconi et vivait seule dans un palace parisien. Sacha reprit espoir et sans attendre lui téléphona. Elle crut, tout d’abord qu’il s’agissait d’un farceur, mais son interlocuteur se montra si charmeur, si convainquant qu’elle finit par le croire et accepta le rendez-vous qu’il lui proposa chez lui, avenue Élisée-Reclus.

La rencontre fut inespérée. Rajeuni, Sacha avait en partie retrouvé sa superbe pour recevoir une élégante et un peu mystérieuse jeune personne, celle qu’il n’osait plus espérer. Dans l’instant, il entreprit donc de la séduire. Elle fut charmée et à son tour sut répondre avec esprit aux galanteries délicates de son hôte. La rumeur apprendra, plus tard à Sacha, que Lana devait être une fille cachée du roi de Roumanie. Lui se souvint, alors qu’il avait eu pour parrain Alexandre III, le tsar de Russie. Cette fois ce ne serait pas le Théâtre qui rassemblerait les amoureux, mais la grande Noblesse internationale.

Un bonheur ne venant jamais seul, le 7 mai 1945, il fut officiellement reconnu que, pendant l’Occupation, Sacha Guitry ne faisait parti d’aucun mouvement de collaborateurs et n’avait signé aucun contrat avec quelque organisme allemand que ce fût. Néanmoins, il lui fallut attendre le 8 août 1947 pour qu’un commissaire du Gouvernement prenne la décision de classer l’affaire. Pendant cette période difficile, une rumeur parisienne, forte du proverbe : « il n’y a pas de fumée sans feu », fit circuler le bruit que Sacha Guitry avait dû être réellement en relation avec l’Occupant. L’Académie Goncourt, dont il faisait partie depuis 1939, lui intenta un procès qu’elle perdit. Lorsqu’il fut question de réintégration, le 4 octobre 1948, Sacha Guitry donna sa démission.

À contrario, Lana, se montra une amie très attentive, très fidèle. Venue s’installer chez Sacha, elle le soutint de toutes ses forces. En raison des évènements, le divorce avec Geneviève n’était pas encore enregistré. Sacha ne put que promettre par écrit à Lana qu’il l’épouserait dès qu’il serait libre. Après donc une liaison de quatre années, le mariage eut lieu le 25 novembre 1949, à l’église grecque orthodoxe. Sacha déclara à sa cinquième conjointe : « Les autres furent mes épouses, vous vous serez ma veuve ! ».

Mariage de Sacha Guitry et Lana Marconi
Le mariage de Sacha Guitry et Lana Marconi à l'Église orthodoxe de la rue Georges Bizet le 25 novembre 1949
(photo DR)

Depuis le 1er janvier 1948, Sacha put reprendre, avec le plaisir que l’on devine, ses activités d’auteur dramatique et, sans perdre de temps, il mit en répétition une nouvelle pièce : Le Diable boiteux. Précédemment, il avait écrit un scénario sur le même sujet, mais le film fut interdit par la censure. En fait, il s’agissait de l’histoire de Talleyrand, cet homme politique à la fois détesté et admiré. Servant sans vergogne un régime après l’autre, il était indispensable à tous.

Invitation à la Première du Diable boiteux le 17 janvier 1948
Invitation à la Première du Diable boiteux
Collections A.R.T.

La pièce fut affichée à partir du 17 janvier 1948. Sacha Guitry, ovationné à son entrée en scène, interprétait le personnage du Diable Boiteux. Il confia son premier petit rôle à Lana, elle qui tenait tant à partager la vie de son futur époux ! Ayant retrouvé leur auteur préféré, les spectateurs du théâtre Edouard VII, à l’exception de quelques sifflets isolés, applaudirent à tout rompre.

Le Diable boiteux
Le Diable boiteux
Jeanne Fusier-Gir et Sacha Guitry

(photo DR)

Tandis qu’il jouait le soir, à partir de février, Sacha tournait Le Comédien dont le scénario rendait hommage à son père.

Sacha Guitry aurait du être infiniment heureux, mais les épreuves passées ne pourraient plus jamais s‘oublier. Finie la joie de vivre des heureuses années...

La censure ayant disparu, Le Diable boiteux put enfin être tourné. Présenté sur les écrans des cinémas Marivaux et Marignan, le film remporta un succès analogue à celui de la pièce.

Retrouvant son intense besoin de travail, Sacha ne perdit pas une minute et présenta le 3 octobre Aux deux Colombes sur la scène des Variétés. Le rideau se levait sur un homme fort séduisant que convoitaient deux femmes. Il finissait par les congédier toutes deux, pour en choisir une troisième.

Aux deux colombes
Aux deux colombes
(photo DR)

Guitry était redevenu un des auteurs les plus célèbres de Paris, et pourtant, la guerre terminée, une nouvelle génération d’écrivains était née : ils s’appelaient Jean-Paul Sartre, Albert Camus, Jean Anouilh, Henry de Montherlant, etc. Leur théâtre ne ressemblait en rien à celui de Sacha Guitry que l’on qualifiait désormais de bourgeois, un peu démodé. Apparemment ce dernier n’en avait cure et poursuivait l’écriture de ses œuvres comme il les sentait.

Ce fut bientôt, au théâtre du Gymnase, la création de Toa, seconde mouture de Florence créée en 1932, puis le 12 décembre, le rideau se levait sur Tu m’as sauvé la vie où il était question d’un bourgeois reconnaissant à un clochard de l’avoir sauvé d’un mauvais pas. À peine le rideau tombait-il sur la première représentation de la pièce que Sacha Guitry commençait- à en écrire le scénario.

Affiche de Toa de Sacha Guitry
Toa

Haut de page

retour suite
Table des matières

la mémoire du théâtre