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Quelques Pièces
COLOMBE
Analyse
Au début du siècle, dans les coulisses d’un théâtre. Une vieille actrice célèbre, monstre sacré, d’un égoïsme sans pareil a un fils, Julien, très amoureux de sa femme Colombe. Julien, épris de pureté, et écœuré par le monde frelaté du théâtre, part pour aller faire son service militaire. Colombe, qui veut faire du théâtre, est engagée par la vieille directrice. Elle sera alors en proie aux avances du directeur, de l’acteur principal, et du frère de Julien auquel elle cédera au grand désespoir de son mari, revenu après deux années sous les drapeaux. Le couple s’entre-déchirera. La pièce se terminera sur un retour en arrière, scène de la rencontre entre Colombe et Julien.
Critiques
« L’autre soir en écoutant Colombe j’ai de nouveau été saisi d’admiration par l’extraordinaire don théâtral de Jean ANOUILH. Le sens de la scène est vraiment chez lui prodigieux et on peut affirmer que personne ici sous ce rapport ne peut lui être comparé. Malgré quelques îlots de résistance, la pièce, le soir de la générale, a remporté un très grand succès, mais on peut penser que l’accueil qui lui sera fait par le public sera plus chaleureux encore ».
Gabriel MARCEL - Les Nouvelles Littéraires
« C’est bien ennuyeux de ne pas commencer une chronique dramatique par un éreintement. Ce soir, nous ne pourrons dire du mal de personne, il va falloir admirer de tout son cœur car la dernière œuvre de Jean ANOUILH vient de commencer une carrière éclatante, celle des œuvres où tout est réussite, où toutes les cordes remuent le spectateur, le fait passer de la gaîté à la tristesse sans qu’on y puisse grand chose. Il y a le bonheur du rire quand il atteint cette vérité et quand il surmonte ainsi les scènes les plus tragiques ».
Roger NIMIER - Arts
« Idées forces de cette pièce : la pureté ne paie pas, les femmes sont rosses, l’amour gêne et l’argent corrompt. Ce n’est pas nouveau, surtout chez ANOUILH. Il y aurait une étude psycho-biographique à faire sur l’affleurement périodique de la misogynie chez cet auteur. Pour l’instant, constatons seulement que le mélange du romantisme et de la farce compose un étrange cocktail ».
Guy VERDOT - Franc-Tireur

Collection A.R.T.
PAUVRE BITOS
ou Le diner de têtes
Analyse
Maxime, petit hobereau de province, vient d’hériter un local historique, un ancien prieuré des Carmes où le Tribunal Révolutionnaire tenait ses assises en 93 et où ses ancêtres ont été condamnés à mort. Y pendre la crémaillère sera le prétexte de la soirée-piège où il invite Bitos dans le but de le ridiculiser. Bitos, qui était son condisciple chez les Pères ; jeune boursier, fils de la blanchisseuse du collège, est revenu dans le pays après la libération en qualité de substitut. La crémaillère sera l’occasion d’un dîner de têtes révolutionnaires et Maxime persuadera Bitos de se faire la tête de Robespierre. Lequel arrive bien en Robespierre, mais déguisé de pied en cap au milieu des hôtes en smoking. On essaiera de le faire boire, de le flatter, de le séduire, de le corrompre afin qu’il ne porte pas plainte contre le petit jeune homme qui a joué le rôle de Merda et terrifié Bitos. Bitos risque alors de tomber dans le piège, mais une jeune fille lucide et prise de pitié l’en sauvera in extremis, mais comme Bitos a décidément l’âme basse, c’est elle qu’il détestera le plus.
Critiques
La haine et la violence de la critique seront inversement proportionnelles au fabuleux succès de la pièce.
« Une provocation, une insulte au gouvernement, aux partis, à la République, au peuple, au patronat, à la résistance, à la justice, mais surtout à la France ».
Marcelle CAPRON - Combat
« La pire déception que nous puissions redouter de l’écrivain qui portait nos plus belles espérances ».
Robert KEMP - Le Monde
« Œuvre sordide et sans portée, haine pure, rage démente, lassitude et ennui, monotonie et rabâchage ».
Jacques LEMARCHAND - Combat
« Ce fourre-tout est-il une pièce ? Que de fielleuses platitudes ! C’est du travail de vieux chansonnier éventé ».
Jean-Jacques GAUTIER - Le Figaro
MAIS…
« Bitos est une pièce admirable faite pour les spectateurs intelligents, espèce qu’il ne doit pas être difficile à trouver en France ».
Roger NIMIER - Arts
« La générale de Bitos aura été une illustration magnifique de confusionnisme mental qui règne en France, particulièrement chez les intellectuels de gauche et de droite. Composée de tenants et servants de la presse issue de hauts fonctionnaires de la IVème, d’actrices décorées et de baronnes à la page, la gauche s’agitait fébrilement dans ses fauteuils, les mâchoires crispées par la haine, les yeux brillants d’envies meurtrières J’entendais murmurer « c’est indigne, on devrait interdire ».
Marcel AYMÉ - Arts
« Cher ANOUILH, vous m’êtes encore plus cher aujourd’hui, avec ce Bitos gênant qu’avec votre « Alouette « flatteuse, parce que je sens davantage saigner la meilleure part de vous même. Vous pouvez être fier d’avoir écrit cette pièce inquiétante, audacieuse et profondément originale qui bouscule les fausses valeurs, les faux semblants, les fausses grandeurs. Et je vous estime davantage de l’avoir fait sciemment ».
Jean DELANNOY - Arts

Pauvre Bitos par Sennep
Collections A.R.T.
BECKET
ou L’honneur de Dieu
Analyse
Thomas BECKET, prélat, est compagnon du roi Henri II, à la chasse et dans le plaisir. Il travaille contre le pouvoir exorbitant que l’ancienne charte d’Angleterre avait donné au clergé et a son chef, l’archevêque primat. L’archevêque meurt. Le roi oblige BECKET à accepter le poste. Le prélat le prévient qu’il va faire une folie « Si je deviens archevêque, je ne pourrai plus être votre ami « Le roi s’obstine. Le soir de son élection, BECKET renvoie ses concubines, vend sa vaisselle d’or, ses chevaux, ses habits, revêt une simple robe de bure et commence à lutter contre le roi. Ce débauché est maintenant comptable de l’honneur de Dieu. Il finira exécuté sur l’ordre du roi.
Critiques
« Enfin ! Enfin une soirée ! Enfin une bonne soirée ! Une belle soirée même, une œuvre enfin. Une de ces soirées, une de ces œuvres qui sont la récompense du critique. Mais précisons : une soirée comme on n’en voit guère, une œuvre telle que nous souhaiterions d’en rencontrer, tenez : tous les 2 ou 3 ans ».
Jean-Jacques GAUTIER - Le Figaro
« Le plus touchant est la tragédie de l’amitié qui est la doublure écarlate de la tragédie - plus apparente - du pouvoir. ANOULH a merveilleusement analysé les rapports qui unissent BECKET au roi, et les tourments de ce dernier, contraint à condamner le meilleur de lui-même, tout en souhaitant qu’il échappe aux pièges qu’il lui tend. Il y a là un double jeu de balance que M. ANOUILH conduit magistralement ».
Max FAVALELLI - Paris-Presse
« L’habit fait le moine : tel est, je crois, le thème majeur que Jean ANOUILH a développé. Thomas Becket, Saxon vaincu par les Normands, est un « bâtard » dans le sens sartrien du mot. Il « collabore » de bonne grâce, mais ne possède en propre, ni honneur patriotique, ni honneur de famille. Où donc seront son honneur, sa patrie, sa famille ? En Dieu, dès qu’il se sera donné à lui. D’où son intransigeance, qu’il est assez honnête pour ne pas confondre avec la sainteté ».
MORVAN-LEBESQUE - Carrefour

Collections A.R.T.
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