Toute la ville en parle
Marianne :Vous prendrez bien du « Pop-corn »? Il est épatant, le théâtre anglais. Il met le nez dans tous les coins de la société, ne mâche pas ses mots, travaille hardiment sur les fêlures, les plaies. On dira que c’est le rôle du théâtre. Certes, mais en France, il reste souvent en deçà. Prenez Pop Corn, de Ben Elton, que Stephan Meldegg met en scène au théâtre La Bruyère. On ne fait pas mieux dans le genre réflexion sur la violence, comme on dit. Un cinéaste de Hollywood, genre Tarantino si l’on veut, réputé pour l’aspect saignant de ses films, se voit remettre un oscar. Le soir même, un garçon et une fille, tueurs psychopathes déchaînés, s’installent chez lui, tirent à tort et à travers, raisonnent en plus. Jusqu’à obtenir, devant les caméras de toutes les télévisions, un débat contradictoire sur ce qui les a poussés à devenir ce qu’ils sont. L’« artiste » pris au piège doit porter le chapeau de la déliquescence sociale. Et cela finira par une cascade de procès. C’est crevant, cette satire menée sur un rythme de rixe, avec des comédiens au poil qui jouent à (se) faire peur. Donner à sourire et à rire sur un sujet grave, c’est l’une des vocations de la scène. Elton et ses interprètes français s’en tirent haut la main, dans un langage cru qui pimente la chose. Jean-Pierre LEONARDINI

La Croix : Quand un cinéaste spécialiste de films violents voit débarquer chez lui un couple de jeunes tueurs semblables à ses héros perdus, que se passe -t-il? Ca saigne, bien sûr. Mais comme c’est sur le ton (très cru!) de la comédie, on ne saurait se formaliser des cadavres qui s’accumulent. Traduite par Attica Guedj et Stephan Meldegg (qui signe aussi la mise en scène), cette pièce anglaise pointe avec une cocasserie gaillarde les dérives d’une société de l’image et des faux-semblants, de la fausse naïveté et de la vraie manipulation. Sans doute aimerait-on que le propos se fasse plus profond. Mais à quoi bon bouder son plaisir quand la distribution, de surcroît, fait feu des quatre fers - à commencer par Pierre-Olivier Mornas, le jeune tueur fou, fou, fou. Didier Mereuze

Le Point : Au moment où, avec « The End of Violence » et « Mad City », Wim Wenders et Costa-Gavras dénoncent à l’écran les rapports pervers du cinéma et de la télévision avec la violence criminelle, « Pop-Corn » affronte le même thème avec une férocité ravageuse. Un comique de la dérision s’impose dans la plus dramatique des situations. N’oublions pas que Ben Elton est l’un des auteurs de « Mr. Bean ». La violence de la satire, la crudité du langage, une sorte d’obscénité macabre sont menées à ce point de délire et d’imagination que, du malaise initial, surgissent une drôlerie libératrice et des leçons fort opportunes. Les comédiens parviennent à concilier miraculeusement le jeu dramatique du premier degré et le surjeu de la caricature, déclenchant un rire qui aiguise notre sens critique au lieu de l’anesthésier. Ainsi l’apparent grand-guignol est-il retourné comme un gant après avoir renvoyé à leurs responsabilités réciproques les criminels, les médias et le public lui-même. Décidément, le théâtre La Bruyère reste un palais de la découverte. Pierre Billard

Charlie Hebdo : Bob Dilamitri est un réalisateur heureux. Bientôt divorcé de sa garce de femme, propriétaire d’une superbe villa à Hollywood, ami d’un producteur influent, père d’une fille aux mensurations parfaites. Pour couronner le tout, il vient d’obtenir l’Oscar du meilleur film pour son dernier navet, Deux Américains ordinaires. L’histoire de Bonnie and Clyde, revue à la sauce sexe, drogue, rock’n roll et ultra-violence. Alors qu’il se prépare à savourer sa victoire, le nez dans la coke et les mains dans la culotte de Paméla Daniels, une « comédienne » draguée à la cérémonie des Oscars, et dont la carrière se résume à une fort remarquable page centrale dans Playboy, une surprise attend le réalisateur dans son salon : Vince et Candy. Un couple de serial-killers, que la presse a finement baptisé « les hyènes des hypermarchés ». Vince tue tout ce qui bouge, Candy tue ce qui bouge encore. Signe particulier : ils ont l’air de surgir tout droit d’un film de Bob Dilamitri. Lequel commence à se demander s’il n’aurait pas mieux fait d’être cinéaste animalier. Car si les deux tueurs sont là, c’est précisément parce qu ’ils ressemblent comme deux gouttes d’eau aux héros de Deux Américains ordinaires. Et comme la presse n’arrête pas de souligner - en la condamnant- cette similitude, ça a donné une idée à Vince. Une idée tordue. En partant de la question de la poule et de l’oeuf - est-ce le cinéma qui donne des idées aux tueurs ou les tueurs qui inspirent le cinéma? -, Ben Elton se livre à une analyse féroce de la société américaine contemporaine. L’Amérique hypocrite, moralisatrice, politiquement correcte et, surtout, jamais responsable, se fait canarder à grands coups de dialogues outranciers, mais hilarants. Les faux-semblants éclatent comme des impacts de balle dans un film de Tarantino, et c’est franchement jouissif. Cette comédie méchante, lucide, pleine de personnages antipathiques mais attachants, nous cloue au siège pendant deux heures. C’est pourtant debout qu’on termine la soirée. Car tous les artistes impliqués dans cette pièce, auteur, adaptateurs, metteur en scène, comédiens, méritent haut la main une « standing ovation » de gala. Comme aux Oscars, le chiqué en moins. Si vous avez moins de 26 ans, la place est à 70F. Une soirée de qualité à ce prix là, c’est une affaire. Gérard Biard

L’ÉVÉNEMENT DU JEUDI : Stephan Meldegg, directeur du Théâtre La Bruyère, défend une idée très personnelle de l’écriture contemporaine. Pop-corn reprend à son compte la polémique lancée par le film Tueurs-nés d’Oliver Stone. Chez Elton, les hollywoodiens huppés se défoncent à la cocaïne et les sous-prolétaires se désennuient dans le crime. La nuit où le réalisateur Bob Dilamitri reçoit un Oscar pour son film ultra-violent, deux assassins débiles profonds et pro-républicains le prennent en otage. Qui est à l’origine de la violence? La question, sans cesse posée, n’est jamais résolue. Entre comédie et pamphlet moralisateur, Pop-corn s’achève dans un bain de sang, naturellement cautionné par les médias. Jouissif. Pierre Notte

Le Journal du Dimanche : A côté d’eux, Bonnie and Clyde sont des enfants de choeur... Les « hyènes des hypers » sèment la terreur. Des monstres, comme dans les films de Bob Dilamitri. Au sortir de la cérémonie des Oscars, le cinéaste les retrouve dans son salon. De virtuelle, la violence devient réelle, mieux : en direct à la télé. « L’audimat monte mais mon producteur vous fait dire de ne pas tuer la dame. » Satire au vitriol hilarant des milieux américains (mais pas seulement) du cinéma et des médias, la pièce de Ben Elton décoiffe. Humour noir et langage débridé, l’action est menée tambour battant grâce à une interprétation très efficace. Annie Chenieux

France Inter : Bob dilamitri, cinéaste de la misère, de la violence, de la drogue et du sexe, est au sommet de son art lucratif et au sommet de sa carrière: il reçoit l’Oscar du meilleur film au grand dam des ligues de vertu. De retour dans sa somptueuse villa, il tombe sur des intrus: « les hyènes des hypers », des tueurs de supermarchés, un jeune couple, enfants de la misère, de la violence, de la drogue, du sexe et du cinéma. Tout droit sortis des films de Bob, les deux psychopathes sont rentrés chez lui, armés jusqu’aux dents, pour lui faire dire, en direct sur CNN: « Le vrai coupable, c’est moi. C’est pas eux. » La boucle est bouclée. L’audimat appelle le sang, lequel fait monter L’audimat. Belle découverte que cette pièce où l’on voit l’Amérique magnifiée dans la parodie. L’Amérique dont le pire s’étend peu à peu à toute la planète. Comme toujours Stephan Meldegg a un sens parfait de la distribution des rôles. Il a tapé très juste, en particulier, pour le rôle du cinéaste: un acteur exceptionnel et trop rare, du nom de Marc Fayet. Jean-Marc Stricker

France T.G.V. Grandes Lignes : Une pêche d’enfer Deux hyènes de supermarchés de banlieue prennent en otage un metteur en scène de films violents. Sous-titré avec humour Comédie féroce, ce conte cruel et violent est interprété par une bande de jeunes acteurs qui ont un talent fou. Bernard Vedrenne

Le Figaro Magazine : « Pop-corn » : de la dynamite Impératif : toutes affaires cessantes, vous réservez au La Bruyère, vous y courez, vous prenez place dans votre fauteuil, vous attachez votre ceinture, décollage immédiat, turbulences assurées, piqués, trous d’air, rétablissements, vertige, chaloupées, émotion, violence inouïe. Un peu le même genre de choc que sur un manège infernal. D’une efficacité terrible. Pour rire? Non, pas seulement. Cela a un sens, en effet, un sens social, et même un sens moral. C’est écrit dans une langue délibérément vulgaire, au service de situations assez abjectes, vous êtes prévenus. Mais il le faut. Il faut cette outrance, cette caricature, parce que le sujet l’exige. Le propos de l’auteur, Ben Elton, est de montrer non seulement à quels excès peut conduire la violence à la télévision, ce qui est somme toute banal, mais surtout quelle irresponsabilité elle entraîne chez les réalisateurs. Un pamphlet? Non, car l’auteur ne juge pas, il expose. Il crée un moment de vérité formidable, excessif comme peut l’être la vérité, et qui renvoie dos à dos l’ordre et le désordre, les tueurs et ceux qui les mettent en scène, le cinéma et ses personnages, l’obscénité de la télévision et le voyeurisme des téléspectateurs. Chacun pour soi, personne n’est coupable, personne n’est responsable, moyennant quoi la machine à dé-culturer et à dé-moraliser ne s’arrêtera plus. On sent chez ce jeune auteur anglais une jubilation mêlée d’amertume devant la catastrophe annoncée, qui signe une personnalité intéressante, revenue de tout, mais avec d’étranges nostalgies. Une sorte d’anar réac moderne en bonne santé, profondément égoïste et lucide. N’en restons pas là. Si ce garçon a du tempérament, il a aussi de l’idée. La construction de Popcorn est séduisante. Elle utilise adroitement, dans l’esprit pirandellien, la dialectique de la fiction et de la réalité. Ici, ce ne sont pas six personnages qui cherchent un auteur, mais deux héros d’un film, deux affreux gangsters, qui sortent de l’écran pour prendre l’auteur au propre jeu que celui-ci a voulu leur faire jouer. Ils le lui feront payer très cher. Terrifiant. Mais assez moral car, qui est le plus criminel, du tueur, du cinéaste qui exploite son crime, ou du spectateur qui s’en repaît? Saluons une fois de plus le flair et le talent de Stephan Meldegg. Il a débusqué cette pièce, il l’a excellemment adaptée, superbement mise en scène. Quel rythme, quelle efficacité! Et pour la jouer, il a déniché et dompté une poignée de jeunes comédiens épatants - mention particulière à Pierre-Olivier Mornas, Marc Fayet et Léa Gabrièle. Un spectacle féroce, jeune, orignal, excitant. Qui dira encore que le théâtre privé est fatigué? Philippe Tesson

Télérama : Une pièce actuelle qui flirte avec le film noir et dénonce nos hypocrisies. Du théâtre politique corrosif et efficace. Crimes et délires Un exploit ! Sur la très petite scène du théâtre La Bruyère, avec des acteurs encore inconnus pour la plupart (plus pour longtemps), Stephan Meldegg parvient à recréer l’ambiance électrique d’un film noir à grand spectacle, grande terreur, grande violence et...décapants éclats de rire. Sur le plateau déboulent à un train d’enfer, et comme en Cinémascope, cinéaste et producteur branchés, épouse hystérique et adolescente à poil, starlette ringarde et tueurs-nés, équipe télé et force de police: le tout dans un grand déballage de meurtres, de sexe, de fric et d’humour noir...N’imaginez pas pour autant un spectacle copiant plus ou moins bien Pulp Fiction, Transpotting ou autre New York Police Blues. Popcorn, de l’Anglais Ben Elton (37 ans et l’un des savoureux scénaristes de Mr Bean), est une vraie pièce de théâtre, grinçante, méchante, roublarde; une pièce qui dénonce avec une allégresse cannibale nos hypocrisies, nos lâchetés face à la violence quotidienne. Bref, du théâtre au présent, qui décrypte crûment notre société : du théâtre politique -osons le mot !- drôle et corrosif, comme pouvaient l’être en leur temps certaines farces de Karl Valentin ou de Bertolt Brecht. En lamentable héros, un cinéaste à la mode s’apprête ce soir là à recevoir un Oscar pour son dernier thriller, où s’amoncellent crimes, pornographie et tortures de tout style. Tellement corsé, son film, que son dévoué producteur s’interroge sur l’extrait qu’on pourra choisir lors de la prestigieuse cérémonie, retransmise en direct sur le petit écran à des millions de téléspectateurs...A peine notre artiste parti recevoir son trophée, s’introduisent chez lui deux de ces sanglants délinquants dont il a si souvent scénarisé le destin, et qui s’avouent d’ailleurs des fans absolus de son oeuvre, qu’ils connaissent par coeur...Ce couple mi-infernal mi-innocent, mais surtout pas bête, s’est mis en tête de prendre en otage son idole, de convoquer sur les lieux du crime la télé, toujours avide de faits divers, et de clamer devant les caméras qu’ils ont été trop influencés par ledit cinéaste - jusqu’à vouloir imiter ses histoires-, qu’ils en sont devenus les pauvres victimes...On ne dévoilera pas « l’anti-happy end » particulièrement crapuleux de cette épouvantable comédie. Sachez que chacun (vous, moi, tout le monde) y est renvoyé à ses responsabilités de voyeur complaisant, de citoyen sans courage. Sachez surtout qu’une bande d’acteurs éblouissante - de Jean Lescot à Eliza Maillot, de Marc Fayet à Géraldine Bonnet-Guérin, de Pierre-Olivier Mornas à Léa Gabrièle - vous entraîne tambour battant dans une de ces fictions débridées qu’on imaginait impossible à la scène. Fabienne Pascaud

France-Soir : Drôle de violence Bonne nouvelle : voici une soirée très réussie sans la moindre vedette dans la distribution. Entendez par-là qu’on a la preuve, une fois de plus, que le théâtre de qualité fonctionne tout seul, contrairement à l’idée répandue qu’une pièce ne peut attirer le public sans un nom prestigieux sur l’affiche. Imaginez un jeune réalisateur hollywoodien en vogue. La violence et le sexe explosent dans ses films, il est furieusement à la mode, les producteurs se l’arrachent, ses pairs le célèbrent : la veille, il a remporté un Oscar. Après la cérémonie, de retour dans sa somptueuse villa, il tombe sur deux jeunes tueurs psychopathes qui ont l’air de sortir tout droit d’un de ses films. C’est comme si John Travolta et Uma Thurman de « Pulp Fiction », débarquaient chez Quentin Tarantino pour vivre quelques expériences intéressantes avec le créateur... C’est du comique qui tape fort. Avec un langage cru et des images brutales qui se bousculent. Quelle jubilation! On doit cette réussite à l’intelligence, l’humour, le sens du théâtre enfin, de Stephan Meldegg, qui a mis en scène le spectacle avec le souci de qualité qu’on lui connaît. Même si le sujet central de la pièce est un peu éventé (les médias et le cinéma sont-ils responsables de la criminalité ?), on est conquis par un résultat aussi ébouriffant. Les interprètes (Marc Fayet, Jean Lescot, Pierre-Olivier Mornas, Eliza Maillot, Mélodie Berenfeld) sont tous épatants, mais on ne peut s’empêcher de citer à part Géraldine Bonnet-Guérin, absolument irrésistible. Nicole Manuello

Le Journal du Dimanche : Un « pop corn » au goût humour et violence POPCORN: mot d’origine américaine désignant une friandise à base de maïs plutôt explosé et parfois salé. La nouvelle adaptation de Stephan Meldegg et d’Attica Guedj au théâtre La Bruyère s’apparente assez bien à cette définition. « C’est une comédie noire et violente, explique le metteur en scène d’origine hongroise. Une parodie du milieu cinématographique américain avec tout ce qu’il comporte de plus excessif et de spectaculaire. » Bob, réalisateur de films hollywoodiens, vient de recevoir l’Oscar du meilleur long métrage. De retour chez lui, il se trouve nez à nez avec deux tueurs de supermarché tarantinesques. Vince et Candy, à la parole plutôt crue et tirant sur tout ce qui bouge, pourraient être les héros des films de Bob. Dès lors, sur fond d’humour acide voire agressif, ce dernier se voit pris au piège de ses propres créations. La question est de comprendre si la fiction naît de la réalité ou bien le contraire. Un élément qui a influencé Stephan Meldegg dans le choix de cette pièce écrite par l’anglais Ben Elton, joué pour la première fois en France. « C’est le sujet qui m’a d’abord passionné, affirme-t-il. Pop Corn parle de la violence au cinéma, dans la vie et de la place des médias dans tout ça. Aujourd’hui il m’est très important de faire du théâtre contemporain. C’est à dire traiter d’un sujet concernant la réalité actuelle. La violence en est un.. » Pop Corn est avant tout une comédie. « Le rire peut être un bon moyen de faire comprendre les choses, ajoute le metteur en scène. Mais attention mon but n’est pas de créer des situations comiques comme dans les pièces de boulevard. Il s’agit de raconter une histoire et tant mieux si elle fait rire. Cela voudra dire que le texte a été bien écrit par ses auteurs ». Fort du succès d’ Un air de Famille et de Douze hommes en colère qu’il a mis en scène, Stephan Meldegg s’est vite remis au travail. Après huit semaines de préparation, la première de cette pièce « impolitiquement correcte mais poétiquement correcte » a eu lieu mardi dernier. « Nous avons seulement eu deux semaines de répétitions dans les lieux ». Sur fond de décor minimaliste habillé d’une petite piscine, les neuf acteurs, dont certains font leurs premiers pas sur scène, appliquent les conseils de Stephan Meldegg. « Je dirige ce théâtre depuis bientôt seize ans et j’ai toujours essayé de m’intéresser aux nouvelles créations, aux jeunes auteurs et acteurs, explique-t-il. Travailler avec eux et leur donner ainsi une chance de pouvoir jouer est une politique que je poursuis depuis toujours. » Avant de retourner dans les coulisses de son théâtre, Stephan Meldegg confie: « Je ne voudrais pas disparaître sans avoir monté une pièce de Tchekhov, de Shakespeare ou de Molière. Mais ça, ce sera pour plus tard. » Elsa Guiol

Le Parisien : Pièce explosive sur l’Amérique d’aujourd’hui « Popcorn » c’est de la dynamite.Voilà une pièce qui se joue actuellement au théâtre La Bruyère, dont on ne savait rien si ce n’est que son auteur, l’Anglais Ben Elton, a participé à l’éclosion du populaire « Mr Bean »...Dans le cas présent, il serait plus juste de parler d’explosion ! Nous assistons en effet à un véritable jeu de massacre jubilatoire, dérangeant et hilarant. Le style, déjà, risque de faire grincer quelques dents. C’est un argot imagé et cru auprès duquel Céline, Audiard et Frédéric Dard font figure d’enfants de choeur. Mais c’est surtout sur le fond que cette « comédie » fait l’effet d’une bombe tant l’auteur s’y acharne à faire voler en éclats de rire les fondements mêmes d’une société américaine empêtrée dans ses problèmes de sexe, de puritanisme, de violence et d’audimat. Nous sommes dans l’appartement cossu d’un cinéaste qui va obtenir un Oscar pour un film appelé à faire scandale par ses audaces. Surgit un couple de « tueurs en série » venu exprimer son admiration à ce réalisateur qui le comprend si bien. Voilà l’homme capable de défendre son point de vue face aux caméras de télévision ! Et ce sera, en direct, une émission au cours de laquelle il y aura un nouveau mort chaque fois que l’audimat faiblit. C’est tragique et l’on rit. Seul rescapé de cette sanglante mésaventure, le réalisateur s’en ira tourner en France des films d’auteur cependant que les héritiers des victimes attaqueront en dommages et intérêts qui la police, qui les producteurs du film, qui les chaînes de télévision et qui l’ensemble des téléspectateurs. Tous responsables, tous coupables ! C’est une fois de plus Stephan Meldegg, grand découvreur de talents devant l’Éternel, qui nous révèle cette pièce-dynamite avec le concours de neuf comédiens exceptionnels dont aucun pourtant n’a rang de vedette. André Lafargue

Le Quotidien du Médecin : Une férocité enlevée La trivialité du langage et des pensées des personnages peut rebuter. Mais la méchanceté de l’auteur britannique, l’un des « pères » de Mr Bean, n’est jamais gratuite. Et Stephan Meldegg a réuni une distribution tellement excellente que l’on est saisi! La scène est à Hollywood, dans la très belle maison (superbe décor de Claude Lemaire qui nous fait oublier l’exiguïté du plateau) d’un cinéaste qui vient de recevoir un oscar pour un film dont il s’est fait une spécialité, un film d’une violence débridée. Mais voilà que, au retour de cette soirée triomphale, Bob Dilamitri ( Marc Fayet), accompagné d’une nouvelle conquête, mannequin qui voudrait être considérée comme une comédienne ( Géraldine Bonnet-Guérin) , trouve sa demeure occupée par un couple de jeunes tueurs, « les hyènes des hypers » (Pierre-Olivier Mornas et Léa Gabrièle) fascinés par les films du réalisateur. Rien ne s’arrange lorqu’au petit matin passe le producteur (Jean Lescot) et que surviennent la légitime épouse et la fille du cinéaste (Eliza Maillot et Mélodie Berenfeld). Les Bonnie and Clyde new-age veulent que la télévision transmette en direct une déclaration solennelle de Bob, qui retrouvera tous ses esprits une fois face aux caméras. Sexe, drogue, alcool, fric, les « valeurs » d’Hollywood sont les rêves des deux jeunes paumés. Chacun finira donc par s’entendre, car les personnages les plus cyniques, les plus noirs, ne sont pas forcément les tueurs. Cela peut paraître un peu court et l’on pourrait reprocher à l’auteur, traduit sans évitement de violence ou de vulgarité par Stephan Meldegg et Attica Guedj, d’employer la voie même qu’il dénonce. Mais Meldegg metteur en scène a su réunir une excellente distribution et donne à la représentation une telle nervosité, qu’à la fin, malgré quelques épisodes épouvantables, on ne peut que saluer l’efficacité de cette comédie d’une affolante férocité. Chacun mérite d’être salué dans ce spectacle. Mais Marc Fayet et Pierre-Olivier Mornas, les deux meneurs de ce duel, sont particulièrement saisissants. On n’oubliera pas Ursule Piverd et Jean Mourière qui ont le rôle peu facile de l’équipe de télévision. Et puis parce que ce sont ses débuts, faisons mention particulière de Mélodie Berenfeld, une peste qui a beaucoup de présence. Armelle Hélliot

Pariscope : Pop-Corn : on s’éclate! On le savait déjà, Stephan Meldegg a du talent et un sacré flair. Directeur du théâtre La Bruyère, metteur en scène et adaptateur, il a reçu 41 nominations aux « Molières » en en a obtenu 12, un beau palmarès; Depuis toujours, il poursuit une politique de création et de découverte d’auteurs. Après l’excellent « Accalmies passagères » de Xavier Daugreilh, jeune auteur français, le théâtre affiche « Pop-corn » de Ben Elton, jeune auteur anglais et grand complice de Monsieur Bean, c’est tout dire. Et une fois de plus, Meldegg fait mouche. Cette comédie féroce, grinçante et hilarante nous a complètement emballés. Avis aux cinéphiles de tous âges, cette pièce est pour eux. Le réalisateur Bob Dilamitri, sorte de frère jumeau de Tarantino et Oliver Stone, voit son dernier film, un « tueur né » mâtiné de « Pulp Fiction » et de « Réservoir Dog » et un zeste de « Trainspotting » récompensé par un Oscar. Deux « serial killer » vraiment « Affreux, sales et méchants » débarquent chez lui et le prennent en otage. Via les médias, ils veulent rendre Dilamitri responsable de leurs actes. Derrière la comédie de Ben Elton, se cache une critique de la société aussi bien américaine que française, c’est ça la mondialisation. L’adaptation de Stephan Meldegg et d’Attica Guedj est une réussite, mélangeant style moderne et comédie à la française; La mise en scène de Stephan Meldegg est percutante. Il y a des morts mais pas de temps mort. Marc Fayet, Eliza Maillot, Jean Lescot, Pierre Olivier Mornas (excellent dans le rôle du tueur), Léa Gabrièle, Géraldine Bonnet Guérin, Mélodie Bérenfeld et Gigi, en voix off, sont d’une grande justesse. Certains vont grincer des dents, d’autre vont attraper une sacrée indigestion, car « Pop-corn » se dévore goulûment. Marie Céline Rivière

FIGAROSCOPE : Danse de mort à Malibu C’est du théâtre qui n’y va pas par quatre chemins. Du théâtre coup de poing qui vous assomme à la première réplique. Le rire étant l’élément moteur de la réflexion. L’auteur, Ben Elton, est le créateur de « Mr. Bean », sa pièce s’intitule « Popcorn ». Anglais pur « scone », il s’attaque pourtant à l’Amérique et à une de ses tares, la violence. Jamais moralisateur, il oppose la bonne conscience de l’artiste face à la réalité qu’il manipule. Que fait un réalisateur de cinéma dont la principale source d’inspiration est la délinquance quotidienne quand il se retrouve en compagnie de ceux qui en vivent? Assis sur une poudrière, il passe de l’univers d’Oshima à celui de Roger Corman. Et le comique pousse la tragédie sur le pavé. Le metteur en scène, Stephan Meldegg règle avec une folie qui tient des « Blues Brothers » cette « danse de mort à Malibu ». La troupe joue avec une grenade dégoupillée dans la poche. En tête de cet escadron : Pierre-Olivier Mornas, voyou éberlué, tueur qui ne ferait pas de mal à un chien mais fait sauter la baraque. Jean Louis Pinte

Le Canard Enchaîné : Pop-corn (Dites le avec des pruneaux !) Le mal-embouché sur qui le rideau se lève c’est Bob Dilamitri (Marc Fayet), le cinéaste le plus fortuné de Beverly Hills, le roi des bouffeurs de pellicule sans scrupules qui ont amassé des dollars à la tonne sur la complaisance à la violence. C’est de cela qu’il discute avec son producteur Karl Brezner (l’excellent Jean Lescot), qui ne vaut pas mieux. Il est juste là pour lui faire gagner du fric sans états d’âme. Et sans jugement de qualité. Mais, demain, ces « Deux Américains ordinaires » bas de gamme et haut l’horreur concourent pour les Oscars. On ne peut tout de même pas projeter aux jurés comme extrait la scène de la cave. Le public du prime time, putain, c’est familial ! D’accord, on ne voit pas vraiment le vagin, mais le public, il n’est pas près d’admettre une chatte qui a un point de vue sur le type, là, Errol. Même si c’est de l’humour. Le comité, il faut se mettre à sa place. C’est pas un cadeau pour lui de voir nominer un film qui raconte l’histoire d’un jeune couple occupé à se défoncer en trucidant tout ce qui bouge. Au moment où, comme par hasard, deux rigolos de ce genre sévissent dans les hypermarchés. La charmante Douce, la fille de seize ans de Bob (Mélodie Berenfeld), qui vient de montrer son cul aux photographes en hélico parce qu’ils s’obstinaient de là-haut à shooter ses nibards près de la piscine, préfère la scène du bar, elle est trop cool: c’est quand la nénette enfile une bouteille cassée sur la bite d’un mec. Le nouveau refus du producteur fait piquer une rogne à Bob, ce créateur trahi: un véritable artiste persécuté, désigné par les médias, ces nullards, comme bouc émissaire dans la dégradation de cette société de merde. L’auteur, Ben Elton, jeune Anglais de Manchester, surtout connu en France pour avoir inventé Mr Bean et son comique dévastateur d’Audimat avant les journaux télé, y va gaiement, crûment, dans la charge de ce milieu qu’il connaît bien, où tout est fait pour la frime et le fric. A lui seul le portrait de Farah Dilamitri (Eliza Maillot), la maman détraquée de Douce, accro à l’hypno-thérapie pour tenter d’échapper à la came, à l’alcool et au cauchemar d’une vie cassée, est terrifiant de vérité sous la rigolade. On éclate de rire lorsqu’elle lance: « Douce, ton père est un trou du cul ! » Comme on est secoué d’un bout à l’autre par la fournaise explosive des répliques. Mais le regard est juste. C’est au moment où Bob revient du grand cirque des prix où il a remercié l’Amérique et Dieu de lui avoir accordé l’Oscar que tout se détraque. Un couple de tueurs en série a pris possession des lieux, ceux-là mêmes dont il s’est inspiré pour ses « Deux Américains ordinaires » : les Hyènes des hypers. Les vraies. Un couple époustouflant: Vince (Pierre-Olivier Mornas) ne bande vraiment que quand il fait éclater des tronches. Candy (Léa Gabrièle), midinette du crime, elle, n’en peut plus d’admiration pour son héros. Ils surgissent au moment précis où Bob allait sur le divan, faire son affaire à Paméla Daniels (Géraldine Bonnet-Guérin), le mannequin que tout le monde a pu contempler à poil dans « Playboy ». Là tout devient extravagant de cruauté, de férocité et de lucidité. Parce que Vince est un fan inconditionnel de Bob, dont il a vu les films douze fois. Et que ceux-ci ont beaucoup compté dans l’éveil de sa vocation. Pendant que les différents protagonistes viennent se prendre au piège des forcenés, désespérément, l’auteur devenu victime s’acharne en vain à hurler son innocence. Il est trop tard. Stephan Meldegg s’est, cela saute aux yeux, régalé à régler le mécanisme de cette explosive tragi-comédie. Comme Attica Guedj à l’adapter avec lui. Les comédiens ont la jubilation communicative. Vous voyez bien qu’il y a encore des créations à Paris. Anglaises, malheureusement. Bernard Thomas.

Panorama du Médecin : Les personnages de cette comédie féroce sont issus, malgré leurs différences sociales, de la même culture : celle de la violence et du sexe, ainsi que celle de la toute-puissance des médias et de l’argent. Bob Dilamitri (Marc Fayet) vient de recevoir un oscar pour son dernier film ultraviolent. Un couple de serial killers, comme échappé de l’un de ses films, pénètre dans son appartement après la cérémonie. Pour échapper à la justice, ils tentent un dernier coup médiatique où ils forcent Bob à avouer qu’il est responsable de leurs crimes. La situation tragi-comique poussée à son paroxysme garde sa crédibilité grâce à l’excellente performance de Pierre-Olivier Mornas qui réussit à inspirer des sentiments contradictoires comme l’horreur ou la sympathie, faisant paradoxalement de ce héros déjanté un être complexe, issu d’une société irresponsable qui récompense la violence lorsqu’elle est rentable. Stephan Meldegg, qui signe l’adaptation et la mise en scène, nous fait une fois encore découvrir un nouvel auteur, et les acteurs sont tous excellents. Sylvia Zerbib

LES ÉCHOS : Le Quotidien de l’Économie Violence, fiction et réalité Venue de Londres, la comédie d’un jeune auteur contemporain épingle la banalisation de la violence via le cinéma. Originale, drôle et percutant. Directeur du Théâtre La Bruyère, Stephan Meldegg a souvent la main heureuse dans le choix de ses auteurs. De Dario Fo, aujourd’hui prix Nobel, dont il a monté en 1982 « Mort accidentelle d’un anarchiste », à Xavier Daugreilh, dont « Accalmies passagères », l’an dernier, a obtenu le molière du meilleur spectacle comique. Avec notamment « Largo Desolato », de Vaclav Havel, « Ce que voit Fox », de James Saunders, « Cuisine et dépendances », d’Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri, et « Temps contre temps », de Ronald Harwood, il privilégie le théâtre contemporain, nous fait découvrir de nouveaux talents... et truste les Molières bien mérités (41 nominations, 12 Molières reçus en quinze ans). Cette fois encore, il joue les découvreurs : ce « Pop-corn », il l’a vu à Londres, l’an dernier, et a eu le coup de foudre. L’auteur, Ben Elton, n’a jamais encore été joué en France, mais les téléspectateurs qui suivent « Mr Bean », qui vient d’inspirer un film, le connaissent sans le connaître : c’est lui qui a inspiré le personnage du grimaçant Bean. « Pop-corn » est plus que grimaçant : « féroce », dit Meldegg, qui en cosigne, avec sa complice Attica Guedj, l’adaptation, et en signe, seul, la mise en scène. C’est le mot, Elton, tout en faisant rire, beaucoup, ne prend pas de gants. Il parle de la violence, il la montre, il la dénonce, il utilise, pour ce faire, gros effets et... gros mots. Et il fait mouche, effrayant tout en divertissant et en donnant, finalement, à réfléchir. Nous sommes (comme dans le dernier de Wim Wenders) chez un réalisateur de films bien violents, bien sanglants, un clone de Quentin Tarantino. Divorcé, une fille adolescente, Bob est sur le point de recevoir l’Oscar du meilleur film pour sa dernière oeuvre, où l’on voit un jeune couple flinguer, pour rien, tous ceux qui leur résistent ou parfois même simplement leur déplaisent. Son agent a eu le plus grand mal à trouver, pour la cérémonie, une séquence visible par le grand public, la soirée étant, comme toujours, retransmise sur les écrans du monde entier... La pièce commence comme une satire amusée, et amusante du microcosme hollywoodien. Elle tourne à l’aigre quand, de retour avec son oscar en main, Bob trouve chez lui... le couple de « tueurs de supermarché » Vince et Candy qui fait depuis des semaines la « une » des journaux. La fiction fait place à la réalité. Parce que Vince, nourri des films de Bob, a voulu le rencontrer, dormir dans ses draps de satin et devenir la vedette « live » d’un fait-divers à sa manière, il flingue deux personnes et, en direct devant les caméras de télévision, convoquée par ses soins, exige du cinéaste qu’il confesse être le vrai responsable de ses crimes : après tout, il l’a inspiré... Inutile de chercher très loin : pour trouver ses modèles, Ben Elton n’a eu qu’à se tourner vers le cinéma américain d’aujourd’hui. De « Tueurs nés », d’Oliver Stone, qui a d’ailleurs soulevé la polémique parce que ses héros ont fait des émules, à « Pulp Fiction », de Quentin Tarantino, la banalisation de la violence, le « deuxième degré » servant d’excuse, dans des films grand spectacle et grand public, est devenue la loi d’un genre omniprésent. Drôle et sinistre à la fois, épinglant avec une froide ironie l’ « artiste » défendant son oeuvre et tous les protagonistes cherchant, devant la caméra, à jouer les vedettes, « Pop-corn » a le mérite, tout en frisant parfois le guignol, de montrer ce qu’il faut montrer : la complaisance généralisée d’une société qui ne sait plus précisément où la fiction doit s’arrêter pour que la réalité ne vienne pas surenchérir... La mise en scène est enlevée et le comédiens jouent allègrement le jeu. On retrouve notamment ici deux des (bons) comédiens d’ « Accalmies passagères », Marc Fayet (Bob) et Eliza Maillot (Farah), et l’on applaudit le couple de loubards, Pierre-Olivier Mornas et Léa Gabrièle. Un nouvel exemple, mais cette fois sur la scène et non à l’écran, que les jeunes créateurs anglais savent traiter la réalité contemporaine la plus noire avec un humour qui devrait une fois encore leur rallier de nombreux suffrages. Annie Coppermann