SOMMAIRE


Fatal pique-nique

UN PETIT JEU SANS CONSEQUENCES
de Jean Dell et Gérard Sibleyras
Avec Valérie Karsenti, Eliza Maillot, José Paul, Marc Fayet, Gérard Loussine.

Un couple joue à se séparer, pour rire, mais on ne badine pas avec l'amour... Une première pièce au ton très contemporain, et un allègre bouquet de jeunes interprètes. Une réussite.

Dans ce théâtre La Bruyère qui cherche toujours, en restant fidèle à la création contemporaine, à rester lisible et séduisant, Stephan Meldegg a eu une fois de plus la main heureuse avec ce « Petit jeu sans conséquence », première pièce cosignée par deux auteurs français, Jean Dell et Gérard Sibleyras, l'un comédien, l'autre scénariste, qui se sont rencontrés... sur France Inter. Elle se déroule tout entière le temps d'un pique-nique, dans une maison à la campagne où l'on fête l'anniversaire d'une dame que l'on ne verra jamais. La maison va être vendue, mais si l'on y sent parfois un peu de nostalgie, il n'y a rien, là, de tchékhovien. C'est bien des couples d'aujourd'hui qu'il s'agit, de ceux qui se croient sans histoires et qui pourtant craignent l'usure, de ceux qui ne parviennent pas à se former, de ceux qui jouent le cynisme pour mieux cacher leur malaise.

D'habiles rebondissements

Bruno, le fils de la maison, et Claire, sa compagne depuis douze ans, forment un couple modèle. Si modèle que Claire, lasse d'être ainsi sanctifiée, éprouve le besoin de jouer à faire semblant... de rompre.

Coup de tonnerre dans l'assemblée. Axelle, la meilleure amie de Claire, qui ne parvient pas à trouver l'âme soeur, veut la réconforter et ne fait qu'aggraver son cas en pleurnichant d'abord, en se laissant aller, ensuite, à des révélations désastreuses. Patrick, le cousin de Bruno, un pique-assiette désolant de naïveté puérile, en remet dans l'affliction et irrite tout le monde. Quant à Serge, qui semble tombé du ciel, il ne cache pas bien longtemps son jeu : si, enfant, il a bien passé un été dans la maison, honni d'ailleurs par Bruno qu'il a failli tuer, il n'est pas là tout à fait par hasard. Et au « petit jeu » initié par Claire, et dans lequel Bruno a accepté d'entrer, il pourrait bien, lui, ramasser la mise...

Des dialogues très vifs, d'habiles rebondissements, et, mis en scène avec économie et malice par Stéphane Hillel dans un joli décor, un bouquet de jeunes comédiens, Valérie Karsenti, Marc Fayet, Eliza Maillot, José Paul, aussi vrais que rafraîchissants (on les avait découverts, sur la même scène, dans les « Accalmies passagères » de souriante mémoire) et leur complice Gérard Loussine : un reflet des tourments et des manques des jeunes quadragénaires d'aujourd'hui, une sorte de « comédie et proverbe » sauce piquante, à la fois drôle et grave, une jolie soirée.

A. C.
Les Echos du 19 septembre 2002

 

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